1756-01-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Mon très cher confrère le secret du bon homme Denis de voiager à califourchon sur un rayon du soleil ayant été perdu, et nos chevaux étant occupez à nos Délices, il n'y a pas eu encor moyen de venir vous voir.
Mais laissez nous faire dès que nous aurons des chevaux. Il est vrai que ne pouvant dormir je me suis avisé de veiller, mais cela ne me sied pas et j'en suis un peu puni. Je vous remercie mon charmant confrère de la complaisance d'Esculape. C'est à vous que j'en ai l'obligation. Toutte la tribu Tronchin est bienfaisante. Présentez je vous en supplie au docte docteur, au plus aimable des hommes les sentiments de ma tendre reconnaissance. Le comité Dargental ne m'a pas encor donné les détails que je luy ay demandez. Nous nous passerons bien d'eux, et je compte vous suivre au printemps à Constantinople sans le secours de personne. Est il vray que le landgrave de Hesse a mis son fils catolique aux arrêts? le voylà confesseur et martir. La nouvelle de la lettre de mr Rouillé à luy renvoyée bien proprement recachetée est elle bien vraie? La guerre est donc sérieuse. Je voudrais que le tremblement de terre eût englouti cette misérable Acadie au lieu de Lisbonne et de Méquines.

Les solitaires de Monrion vous embrassent le plus tendrement du monde, vous et omnes Tronchinos.

V.