1755-12-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques Abram Elie Daniel Clavel de Brenles.

Mon cher ami les pucelles, les tremblements de terre, et la colique me mettent aux abois.
Les petits maux me persécutent, et je suis encor sensible à ceux de la fourmillière sur la quelle nous végétons avec autant de tristesse que de danger. On n'est pas sûr de coucher dans son lit; et quand on y couche on y est malade. Du moins c'est mon état, et c'est ce qui m'empêche de venir faire avec vous des jérémiades à Monrion. J'ay encor pour surcroit de malheurs un cheval encloué dans le meilleur des mondes possibles. Je suis prest à partir. J'ay encor envoyé de petits bagages à l'hermitage de Monrion, et dès que mon cheval et moy nous serons purgez, je prendray sûrement un parti. En attendant je n'en peux plus. Si je suis confiné à mes prétendues Délices, il faudra que je vous envoye madame Denis qui me paraît enchantée de vous et de Lausanne. Mais le mieux sera de l'acompagner; et somme totale je viendray vif ou mort. Il y a un docteur Tissot qui dissèque proprement son monde. C'est une consolation. Je ne me console point pourtant de mon ami Gies. Mille respects à madame de Brenles. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

V…