aux Délices près de Genêve 6 Décbre 1755
Mon cher ami les pucelles, les tremblements de terre, et la colique me mettent aux abois.
Les petits maux me persécutent, et je suis encor sensible à ceux de la fourmillière sur la quelle nous végétons avec autant de tristesse que de danger. On n'est pas sûr de coucher dans son lit; et quand on y couche on y est malade. Du moins c'est mon état, et c'est ce qui m'empêche de venir faire avec vous des jérémiades à Monrion. J'ay encor pour surcroit de malheurs un cheval encloué dans le meilleur des mondes possibles. Je suis prest à partir. J'ay encor envoyé de petits bagages à l'hermitage de Monrion, et dès que mon cheval et moy nous serons purgez, je prendray sûrement un parti. En attendant je n'en peux plus. Si je suis confiné à mes prétendues Délices, il faudra que je vous envoye madame Denis qui me paraît enchantée de vous et de Lausanne. Mais le mieux sera de l'acompagner; et somme totale je viendray vif ou mort. Il y a un docteur Tissot qui dissèque proprement son monde. C'est une consolation. Je ne me console point pourtant de mon ami Gies. Mille respects à madame de Brenles. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V…