1757-02-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Grand merci du vin de Toulon.
En voilà baucoup mon cher monsieur. J'aimerais mieux ma bougie et mon sucre. Je vous aurai bien de l'obligation d'avoir la bonté de vous informer de ce que sont devenües les deux caisses de bougie que vous payâtes il y a près de deux mois à mr de Florian à Paris. Mr Cathala ne les a pas encor reçües. A l'égard du sucre, nous comptons encor sur vos bons offices: et nous braverons les anglais qui ont la mine de nous prendre bien des vaissaux. Dieu bénisse vos armateurs. Il faut avoir de l'argent de reste pour le mettre entre les mains. Ces messieurs d'ordinaire finissent par manger votre argent au cabaret ou par être pris. Mais je me flatte que les vôtres seront honnêtes gens et imprenables.

On confirme l'envoy de la grande armée. Je ne vois pourtant point encor de grands préparatifs.

J'attends avec impatience le mot de l'énigme de l'avanture de Pierre Damien. On me mande qu'il y a une petite secte cachée composée de la plus basse canaille du party janseniste, que cette secte est apellée la secte des margouillistes, nom digne d'elle, que ces malheureux sont liez entre eux par des serments exécrables, qu'ils ont voulu non pas tuer le roy, mais le blesser légèrement pour l'avertir, et qu'ils ont menacé le dauphin du poison. Il n'y a rien dont le fanatisme ne soit capable.

Le Suisse V. vous embrasse tendrement.