à Monrion 23 janvier 1757
J'ay l'honneur de vous envoyer mon cher correspondant une petite goutte d'eau pour mettre dans votre rivière.
Cette lettre de change de Cadix n'est pas payable sitôt. Mais j'aime mieux qu'elle soit dans votre réservoir que dans le mien. Vous pourez toujours j'annexer dans le compte, comme effet à recouvrer.
J'aprends qu'il m'est venu malgré le docteur une balle de caffé de L'orient. Il ne réussira pas à nous défaire de nos mauvaises habitudes.
Mais cette bougie que j'ay payée à M. de Florian, et que vous m'aviez annoncée, il y a plus d'un mois, en deux caisses, elle ne vient point. M. Cadhala me mande qu'il n'en a aucune nouvelle. Je réclame vos bontez ordinaires pour cette petite affaire.
Je vous remercie mon cher monsieur des nouvelles dont vous voulez bien me faire part. Elles sont touttes intéressantes. Les moindres particularitez d'un attentat si horrible quoy que très insensé, deviennent d'une grande importance. La bible et trente louis d'or qu'on a trouvez dans la poche de ce misérable, font faire plus d'un jugement téméraire.
On n'en fait pas moins sur ce qui se passe en Saxe et en Pologne. Mais ce n'est pas un jugement téméraire de dire que les manufactures de Lyon en souffriront. Les anglais nous rendront aussi le sucre un peu cher. Ainsi je crois qu'il est bon que chaque maison se fournisse, et j'attends votre sucre de Marseille avec les bougies. Laissons les nations s'égorger; et vivons doucement. Un peu de philosofie et un ami tel que vous sont bien nécessaires dans ce vilain monde.
V. t. h. et ob. serv.
V.