1756-10-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Je vous envoiai mon cher monsieur le 25 du courant quatre lettres de change de Cadix et je vous en fais tenir une de Strasbourg sur mr de Montmartel pour 4000lt .
Je l'ay signée et je suis persuadé que M. de Montmartel l'aquitera à la présentation quoy qu'elle ne soit payable qu'au 1er décembre. Au reste le temps de ce payement est assez indiférent.

Vous m'avez flatté d'une caisse de bougies. Vous ne sauriez trop nous en envoier. Nos consommations sont fortes, en bougies, en sucre, et même en caffé malgré le docteur. On dit qu'on vend ou qu'on va vendre à l'orient six cent mille livres de caffé de moka. Si vous en preniez une balle pour vous et pour moy cela serait il si mal fait? Quand vous ferez venir du sucre n'oubliez pas votre concierge des Délices.

Il faut mon cher correspondant que je vous fasse une confidence. Je voudrais faire une petite galanterie à notre grand docteur. Pouriez vous trouver un pot à oille d'argent avec son assiete, ou quelque autre pièce que vous croiriez pouvoir luy plaire? Je vous demanderais en grâce de me l'envoier incessamment.

Comme j'en étais là, je reçois votre lettre et le protest. Votre lettre est du 27. Elle a resté un jour chez mr Cadhala par ma négligence. je renvoye à mr Turkeim à Strasbourg sa lettre de 2539 protestée.

Ce qu'on dit du désastre du Roy de Pologne commence à me faire croire que le Salomon du nord finira par avoir raison. Laissons les héros s'égorger et vivons tranquiles.

On dit que madame de Fleurieu n'est pas bien. Sa santé doit intéresser la société. J'ay chez moy Mr le duc de Villars que j'ay engagé à venir consulter le docteur pour une sciatique; et il se trouve que je suis affublé moy même d'une sciatique plus violente que la sienne.

Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur. Autant en fait made Denis. Pour me de Fontaine, je la crois arrivée à Paris grâce au grand docteur.