1756-11-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Mon cher correspondant, je laisse quelquefois passer un ordinaire ou deux sans répondre.
Les malingres ne sont pas exacts. Gardez vous bien de consulter notre docteur: il se fâcherait. Il faut le tromper. Ne pouriez vous pas trouver aisément deux magnifiques flambaux d'argent? Vos amis de Paris ne pouraient ils pas vous en envoier? Les orfèvres en ont toujours de très beaux. Vous me feriez un grand plaisir de m'aider à faire cette galanterie le plustôt qu'il sera possible. Je vous remercie d'avance du vin, du caffé, du sucre, des bougies, des petits fournaux roulans. Quand vous pourez y joindre deux réchauds argentez à brique pour mettre sur la table vous aurez je croi comblé vos bienfaits pour cette année.

Si jamais vous aimez les jardins je crois que vous vous plairez dans celuy que je cultive pour vous. Je vous plante des forêts d'arbres fruitiers. Oulin ne vaudra pas les Délices.

N'avez vous pas ri des réponses du r. d. P. aux articles de la capitulation des fourches caudines? Il se moque de l'univers et s'en moquera. Il fera sa paix dans un mois, et ira faire jouer dans Berlin un opéra de sa façon.

Vous avez donc crevé M. le duc de Villars et son président? Bon soir. Votre concierge et sa nièce vous embrassent.

V.