Monrion 4 ou 5février [1757]
Mon cher correspondant encor un gros vaissau de pris! Je tremble pour notre compagnie des Indes.
Il me paraît assez sûr que l'Espagne va se déclarer. Le roy de Prusse vient de m'écrire une lettre très tendre. L'impératrice de Russie veut que j'aille à Petersbourg. Mais je vous réponds bien que je ne quitterai pas vos Délices. Il faut que je m'acoutume aux naufrages. Ce ne sont pas seulement mes vaissaux de Cadix qui périssent. Une barque que j'envoiais de Monrion aux Délices, chargée de bois et de meubles, est allée au fond du lac. Cela ne m'empêchera pas de jouer le vieux bonhomme Lusignan dans Zaire. Ce rôle me convient. On joue tous les jours la comédie à Lausane. Ce n'est pas comme dans votre ville de Calvin.
Je suis bien fâché de la mort du marquis Dargenson, exministre philosofe. Il y avait cinquante ans que je l'aimais.
Me permettrez vous de vous adresser les lettres cy jointes pour épargner une partie du port à de pauvres diables?
Les Pictet sont enchantez de Lyon et ils ont raison.
Il me revient qu'on a brûlé à Glats les magazins du roy de Prusse. C'est une perte difficile à réparer. Il y a disette de grains en Germanie.
Les deux Suisses vous embrassent bien tendrement.
V.