1758-09-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

On ne se porte pas trop bien aux Délices madame mais on vous y est très attaché.
Nos désastres publics sont grands. Le naufrage parait universel. Il faut que chaque particulier songe à rassembler les débris de son vaissau. Je cours un très grand risque d'être ruiné en France. Tâchez de ne l'être pas en Allemagne. Les princes font le malheur du genre humain. Heureux qui se met à portée d'être indépendant d'eux.

J'espère avoir l'honneur de vous voir avant votre triste voiage de Vienne. Puissiez vous en raporter deux choses nécessaires, fortune et tranquilité. Je vous plains d'être à Monrion par un si mauvais temps. Nous ne sommes pas moins à plaindre d'être loin de vous. Vous m'appelez donc ingrat à votre tour! mais je ne passe pas six mois sans vous écrire.

Mille respects.

V.