à Cirey, ce 6 [February 1739]
J'avois bien raison mademoiselle quand je vous supliois de vouloir bien arrêter les libelles du sr de Merville; il s'est joint à l'abbé Desf. pour composer ce malheureux libelle diffamatoire qui mérite assurément la punition la plus exemplaire.
Ayant le malheur d'être devenu un homme public par mes ouvrages je suis obligé de repousser les calomnies publiques.
L'abbé Desfontaines dans son libelle diffamatoire, cite un autre libelle du sr de St Hiacinte, dans lequel ce St Hiacinte dit que j'ay eu une querelle à la comédie avec un officier nommé Bauregard, et que cet officier m'insulta en présence d'un acteur. Je vous demande en grâce mademoiselle de vouloir bien faire signer par vos camarades Le certificat cy joint. Il m'est absolument nécessaire. Vous voyez quelle est la rage des gens de lettres, et quelle funeste récompense je receuille de tant de travaux. Mon honneur m'est plus cher que mes écrits, et je me flatte que vous ne me refuserez pas un certificat, dans le quel je ne demande que la plus exacte vérité.
Tous ceux qui sont citez dans cet infâme libelle m'en ont donné, c'est la meilleure manière de répondre aux calomnies. Je voudrois bien mériter votre amitié par mes talents, mais je n'en suis digne que par ma reconnaissance. Je vous conjure de m'obtenir un certificat qui me fasse honneur, je vous auray une obligation infinie.
Nous soussignez instruits qu'il court un libelle diffamatoire également horrible et méprisable, intitulé la Voltairomanie dans lequel on ose avancer que mr de Voltaire a usé de rapines à l'ocasion de ses pièces de téâtre, et dans le quel on fait dire au sr de St Hiacinte que le dit sr de Voltaire a été insulté en notre présence par un officier nous déclarons sur notre honneur tous unanimement, que mr de Voltaire en a toujours agi avec nous généreusement à L'occasion de ses pièces, et que L'affaire prétendue entre luy et un officier est une calomnie qui n'a pas le moindre fondement etc.