1739-01-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Lévesque de Burigny.

J'ay bien des grâces à vous rendre monsieur de tous vos bons documents.
Il faudroit avoir l'honneur de vivre avec vous pour mettre àfin la grande entreprise à la quelle je travaille. Je suis malheureusement détourné de mes travaux, et persécuté dans ma retraitte par la haine de certains écrivains, par la calomnie, par la plus cruelle ingratitude. Je ne me plains point de l'abbé Desf. Il fait son métier; il est né pour le crime. Mais qu'ai-je fait à mr de St Hiacinte? L. Desfontaines cite un libelle de luy contre moy, je ne sçai ce que c'est. J'en crois mr de st Hiacinte incapable, car il est votre ami, et un homme honoré de l'amitié d'un homme aussi estimable que vous ne peut écrire un libelle diffamatoire. Il est de l'honneur de mr de st Hiacinte de s'en disculper. J'ose espérer qu'une âme comme la vôtre s'interessera à le laver de cet opprobre. Voudroit il me mettra au rang de ceux qui déshonorent les belles lettres et l'humanité, voudroit il partager hautement les scélératesses de l'abbé Desfontaines, et outrager ma famille, une famille d'honnêtes gens, nombreuse, et pouvant se vanger? Je me flatte monsieur que vous préviendrez les suittes éternelles qui peuvent en résulter, je vous le demande au nom de l'estime qui m'attache à vous depuis si longtemps, je suis avec un zèle infini monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire