1740-10-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Louis Moreau de Maupertuis.

Celuy qui vous rendra cette lettre mon cher monsieur est Monsieur Pascal, sur l'arrivée du quel je vous ay déjà prévenu; c'est une très grande perte qu'on a faitte dans les trouppes de France; il passe généralement pour un des meilleurs officiers du royaume.
Comme il ne peut plus servir en France après le passe droit qu'il a essuyé, et après la manière dont les choses ont tourné depuis, je crois que c'est réellement rendre service à sa majesté prussienne que de lui présenter un si brave homme, plein d'expérience, et qui entend surtout la guerre de party. Il est sur terre ce que Mr du Gue étoit sur mer. Vous avez contribué à la gloire de feu Mr du Gue; contribuez à la fortune du brave homme que je vous présente. Je vous demande en grâce de le recommander fortement à tous ceux à qui vous serez à portée d'en parler. Vous pouvez en parler au roy, et vous savez qu'un mot dit à propos, et dit par vous, peut baucoup. Jamais vous n'aurez mieux placé votre éloquence et vos services.

J'ay pris la liberté d'annoncer au roy Monsieur Pascal, mais je compte baucoup plus sur vos discours que sur mes lettres.

Adieu monsieur. J'oubliois de vous dire que ce que j'en fais est avec l'agrément de Mr de Fenelon, l'ambassadeur de France à la Haye, qui connoît le mérite de mr Pascal, et qui ne pouvant le rendre au service de France, croit qu'il n'y a point de prince plus digne d'être servy par de tels officiers, que sa majesté prussienne.

Je suis pour toute ma vie avec la plus sincère amitié, Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire