1739-02-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Je vous prie mon cher abbé, de donner 100lt au chevalier de Mouhi, sitost la présente reçue.
Il vous donnera son récépissé. Je suis fâché de n'avoir que cela à luy donner pour le présent. Je vous prie de luy en faire mes très humbles excuses, mais de ne luy montrer aucune de mes lettres.

Je luy avois écrit, et à madame de Chambonin, que je souhaittais passionnément, qu'un de ceux qui avoient déjà signé la requête la signast au moins en forme avec un procureur, et je souhaitois que ce fût un autre que mr de Mouhi, parce qu'il y aura récrimination contre ce Mouhi, et non pas contre les autres, qui n'ont rien à démêler avec Desfont.

Quoy qu'il en soit, me voicy plus embarrassé que jamais. J'ay lieu de croire que Mr Heraut peut me favoriser; mais j'ay aussi baucoup à craindre du procureur du roy.

J'ai mandé à mon neveu que quelque chose que son procureur pût lui dire, il faut absolument qu'il dresse une requête en son propre et privé nom dans la quelle il se plaigne d'un libelle intitulé Voltairomanie, où son grand père est attaqué etc. Je vous prie de l'y encourager. C'est une chose, juste et nécessaire. Il ne risque rien; il se désiste dans les 24 heures. Sa démarche ne peut nuire, et peut servir baucoup. Allez donc le voir, proposez luy la chose fortement, obtenez cela de son amitié pour moy.

Je vous prie d'aller chez mr d'Argenson l'aîné, conseiller d'état, ambassadeur au Portugal. Dites luy où en est l'affaire et demandez luy conseil et protection auprès du procureur du roy, que l'abbé Desf. a prévenu contre moy.

Je vous prie d'instruire mr Dargental par un mot de lettres que j'ay un besoin extrême de protection auprès de Mr Moreau, procureur du roy.