1739-01-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Madame de Chambonin partoit mais elle tomba malade.
On ne veut pas que je parte, et d'ailleurs j'aime mieux hazarder mille fausses démarches que d'en faire une contre l'amitié, et que mon cœur me reprocheroit. Je reste donc, et le procèz criminel que je veux absolument qu'on intente ira comme il poura. J'ay la preuve par écrit des mains de l'auteur du préservatif, que je n'y ay nulle part. Ma lettre qui y a été reportée, écritte il y a deux ans, ne contient que la plus exacte vérité. Je n'ay ny à rougir, ny à craindre.

Je n'abandonneray de ma vie aucune branche de cette affaire. Elle me coûtera quelques quarts d'heure les jours de poste, mais ne prendra rien sur le repos de mon cœur. Il n'y a que l'amitié à quoy il soit sensible.

Je vous réitère tout ce que je vous ay dit. Je ne crois pas que vous ayez eu dessein de rien mettre dans le pour et contre, qui pût le moins du monde commettre me du Chastelet.

Si vous y mettez un mot, il le faut très simple, touchant, et qui ne réfute que la calomnie sans parler du préservatif. Ce préservatif ne vous regarde en rien. Vous ne savez pas ce qu'il faut de force pour faire aller la pompe de mr du Puis, vous n'entrez pas dans les autres questions de phisique, vous ne deffendrez pas les détestables vers de Roussau, surtout celuy du financier badin, vous ne direz pas que ma lettre qu'on raporte n'est pas de moy car elle en est. Ne parlez donc point encor une fois de ce préservatif. Imitez madame de Berniere qui doit m'être moins attachée que vous, elle m'écrit la lettre la plus terrible contre D.F. mais si terrible, que je n'ose la montrer, et que je demande quelque chose de plus modérée. C'est 4 lignes, seulement, d'elle et de vous, pour mettre dans mon portefeuille, pour servir de réponse à force misérables qui abusent toujours de la calomnie, et qui tiennent pour vrayes les impostures aux quelles on n'a pas répondu.

Cela fait une fois, cela est fait pour jamais, et je jouis paisiblement de votre amitié.

Mais je vous conseille de ne point aigrir mr et me Duch, en tergiversant sur la lettre qu'ils demandent. Inutile d'acord, mais ils la demandent.

Je vous embrasse.

V.