1739-01-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange gardien pourquoi faut il que le chevalier de Mouhi, qui ne me connaît pas, agisse comme mon frère, et que Tiriot, qui me doit tout, se tienne les bras croisés dans sa lâche ingratitude?
Quoi! Mouhy court déposer chez m. Heraut et Tiriot se tait! lui, qui a été traité avec tant de mépris par Desfontaines, lui qui m'a écrit cette lettre de 1726 et tant d'autres, où il avoue que Desf. fit un libelle contre moi au sortir de Biscêtre! Il a aujourd'hui l'insolence et la bassesse d'écrire, de publier une lettre à mad. du Chastelet dans laquelle il désavoue ses anciennes lettres, il l'envoie au prince royal et pour se justifier il dit tranquillement que les Lettres philosophiques ne lui ont valu que 50 guinées, et qu'il ne m'a mangé que 80 souscriptions. Y a-t-il une âme de boue aussi lâche, aussi méprisable? ce malheureux dit froidement qu'il ne fera rien que vous ne lui ordonniez. Eh bien! ordonnez lui donc sur le champ de courir chez m. Heraut, et de confirmer sa lettre du 16 août 1726, et les autres, dont voici copie. Cela nous est de la dernière importance, mon cher ami, il y va du repos de ma vie. Je vous conjure avec autant d'insistance que m. de V. et je vous aime aussi tendrement. Nous disons mille choses à madame d'Argental et à monsieur votre frère.