ce 22 [November 1738] à Cirey
Charmante Talie puisque vous voulez bien jouer cet enfant que je vous ay fait, ayez donc la bonté de finir le 4ème acte à ces vers,
Ne ferez vous point quelque jour le même honneur à cette Alzire qui vous a déjà tant d'obligation?
Il est bien vray que si j'avois l'honneur de vous voir je ne travaillerois que pour vous, et je ne croirois que vous. Je ne demande point L'amitié du sr Guiot de Merville, je demande seulement que vous luy fassiez connaitre par un mot (et un mot de vous porte coup) qu'il ne doit point farcir ses préfaces d'injures inutiles contre des personnes qui ne luy ont jamais nui. Rendez le si vous pouvez honnête homme, et bon auteur, et sans qu'il vous en coûte qu'un petit conseil donné àpropos. Vous savez obliger aussi bien que plaisanter, et je sçais que Talie est un honnête homme.
Merope est prodigieusement corrigée, et limée. Elle ressemble à Amasis par ce qu'il y a une mère, elle ressemble à Gustave Vaza par ce qu'il y a un fils, mais elle ne ressemble à rien puisqu'elle est sans amour.
J'ay bien taillé de la besogne au jeune homme aimable que vous apelez mon élève. Je suis cause au moins qu'il travaille difficilement, mais le meilleur conseil que je luy aye donné, c'est de vous voir souvent et de vous consulter. Je suis si honteux de ne plus rien faire pour vous que j'exhorte tout le monde à se mettre sur les rangs à ma place. Je suis un pauvre prince détrôné qui ne fait plus la guerre que par ses généraux. J'ay bien encor des tentations de faire des canpagnes, mais Neuton me retient, et je crains les siflets. Madame du Chastelet, qui conoît le prix de vos talents et encor plus de votre esprit, vous fait mille complimens. Je suis toujours mademoiselle plein des sentiments qui m'attachent à vous pour ma vie.
Seriez vous assez bonne pour me mander si vous jouez cet enfant, comme il est imprimé, ou comme vous l'avez d'abord représenté? est il sénéchal? est il président?