1736-08-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Françoise Quinault.

Eh mon dieu charmante Talie, vous n'avez qu’à dire, vous ne sauriez me faire plus de plaisir.
Vous voulez quatre vers à la fin, et vite et vite, les voylà.

Euphemon
 . . . désespérer de la jeunesse . . . .
Me Croupillac
C'est fort bien dit, ainsi donc je raurai
Mon Fierenfat, je vous Le rangerai,
Je vous . . . Va, va, que l'on ramène un homme
A corriger; traitre tu verras comme?

Non ne les voylà pas. Vous trouverez ces vers à la fin de ma lettre.

Cela n'est pas trop bon, je le sçai bien, mais aussi cela ne s'est pas fait attendre. Et puis, charmante Talie, à vous permis de les jetter au feu.

Dieu retienne nos gens à la campagne et notre enfant sur le téâtre jusqu’à la st Martin!

En vérité j'espère assez de cette pièce de Gresset. Quand vous répandrez par votre jeu un peu de comique sur ce froid Gresset vous luy ferez grand bien. Ce Gresset avec cela poura réussir, mais s'il tombe j'abandonne ce Gresset tout net, ce sera la pure faute de ce Gresset.

Mais quand vous me faites l'honneur de m’écrire, vous ne me dites jamais, Nous avons joué telle pièce, notre téâtre va bien, vous ne me dites rien de la république. Vous me prenez donc pour un membre retranché du corps?

En vous écrivant belle Talie, en songeant que c'est à vous que je m'adresse, je m'aperçois que vos vers que vous vouliez et que je vous ay faits ne valent pas le diable.

Je les corrige donc ainsi,

Me Croupillac à Fierenfat
C'est fort bien dit, à la fin je rauray
Mon président, je vous le rangeray,
Je vous;  . . . Allons qu'on nous conjoigne ensemble,
Viens çà pédant, qu'on m’épouse et qu'on tremble.

Cela me paraît passablement fallot. Jugez en, vous vous connaissez assurément en bonne plaisanterie. Je ne m'y connois guère, et je ne me crois pas du tout plaisant.

Je suplie votre aréopage de faire une brigue pour rétablir ce bau mot de cocu. Si cet admirable mot est banny de la langue française, il n'y a plus moyen de travailler.

Talie, Talie, si j’étois à Paris, je ne travaillerois que pour vous. Vous me feriez un animal amphibie, comique six mois de l'année et tragique six autres mois, mais il y a dans le monde un diable de Neuton, qui a trouvé précisément combien le soleil pèse, et de quelle couleur sont les rayons qui composent là lumière. Cet étrange homme me tourne la tête. Daignez m’écrire pour me rendre aux muses. Je vous suis tendrement dévoué pour jamais. Ne m'oubliez pas auprès des deux aimables frères.

Je suis à vos pieds.