à Cirey en Champagne 3 avril [1738]
Si la personne, monsieur, que vous avez eu la bonté de nous proposer est encore dans le dessein de passer quelques années dans une campagne agréable, je crois que la chose n'est pas difficile et j'imagine que madame du Chastelet pourra bien lui pardonner le grand défaut de n'être pas prêtre.
Je l'ai souhaité ardemment dès que j'ai su qu'il était présenté par vous et je le regrette tous les jours. Voudriez vous bien voir avec mr Tiriot ce que l'on pourrait faire pour avoir ce profane là, au lieu d'un sacristain? Il ne s'agit que de le présenter à m. le marquis du Chastelet, qui demeure rue Beaurepaire, au chef Saint-Denis, dans la maison de madelle Baudisson. Je crois que vous rendrez service à ce jeune homme et à ceux auprès de qui vous le placerez.
Tout le monde me parle d'Epître sur le bonheur, qu'on m'attribue et que je n'ai point lue. Si vous savez ce que c'est, vous me ferez plaisir de m'en instruire. Je suis très fâché qu'on fasse courir quoi que ce puisse être sous mon nom. Je me trouve si bien de ma tranquillité et de ma solitude, que je voudrais avoir toujours été inconnu, excepté du petit nombre de personnes qui vous ressemblent. J'ai raison d'appeler ce nombre très petit.
On ne peut être avec plus d'estime que je le suis, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.