1741-02-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques de Champflour.

Je n'ay pu encor Monsieur avoir l'honneur de répondre à votre dernière lettre parce que Mr le marquis du Chastelet, qui a ramené Mr votre fils à Paris, et qui depuis a été à ses terres en Champagne, n'avoit point encor donné icy de nouvelles de L'arrivée de Mr de Chamflour.
Je n'en reçus qu'hier, et je vis avec plaisir que Mr du Chastelet avoit été aussi content que moy de la conduitte de ce jeune homme. Vous savez Monsieur quelle pénitence il voulut faire à Lille. Mr Carrau, votre amy, vous aura mandé tout ce détail. Je ne doute pas qu'il n'ait enfin le bonheur d'être auprès de vous. Il sent quel devoir sacré il a à remplir. Vos bontez luy imposent la nécessité d'être plus vertueux qu'un autre. Il faut qu'il devienne un exemple de sagesse pour être digne d'un si bon père.

Vous ne devez point je croi monsieur être en peine de la personne qui L'avoit un peu dérangé. Elle a eu pour se conduire plus qu'il n'a été compté. Mr Carrau et le jeune homme ont arrangé à Lile le compte de L'évaluation des espèces de Hollande et de Brabant à l'aide d'un banquier, et Mr Carrau a voulu absolument me rembourser.

Si vous voulez monsieur écrire un petit mot à Mr le marquis du Chastelet, le maréchal de camp, adressez votre lettre à Cirey en Champagne.

Permettez moy d'embrasser mon compagnon de voiage, que je crois àprésent à vos genoux. J'ay l'honneur d'être parfaitement Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire