1737-06-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

J'ay reçu votre lettre mon cher monsieur par la quelle vous me marquez que le sr de Leseau ne s'empresse pas de payer.
Je vous prierai seulement de luy écrire un fois dans le courant de cette année pour le prier de se disposer à payer les 4 années au mois de mars prochain et à donner une délégation pour les années suivantes.

Je vous ay envoyé un petit mémoire que vous aurez fait tenir à M. le duc de Richelieu. Je ne crois pas qu'il refuse cet acomodement. Je me remets du tout à votre amitié et à votre prudence. Mr de Richelieu communiquera sans doute ce mémoire à son intendant et vous en pourez conférer avec luy.

Voicy mon cher amy une autre petite négociation. Madame la marquise du Chastelet a commandé un nécessaire à Hebert au Roy de Siam, qui a changé je croi de logement et qui demeure rue st Honoré vis à vis L'oratoire. Il faudroit luy donner douze cent livres d'avance pour L'argenterie qu'il doit employer à cet ouvrage. Vous auriez la bonté de tirer de luy un billet par le quel il reconnaitrait avoir receu de M e la marquise du Chastelet douze cent livres d'avance pour un nécessaire qu'il doit livrer incessament.

Si vous y allez vous même je vous prierai de le presser de faire achever le nécessaire sans délay.

Pour trouver ces douze cent livres il conviendra vendre une action que nous remplacerons bientôt, et à l'égard du surplus vous aurez la bonté de me L'envoyer à Cirey soit par le coche de Bar sur Aube, soit par Le Brun, soit en une rescription sur les aides et gabelles selon que cela vous sera plus commode.

Je vous prie aussi de m'acheter quatre miroirs concaves de trois pouces de diamètre. Il faut prendre garde qu'ils aient tous quatre le même foyer. Cela coûte un écu pièce, et se trouve sur le quay des Morfondus. Vous aurez la bonté de les faire mettre à l'adresse de madame la marquise du Chastelet au carosse de Bar sur Aube. C'est la voye la plus prompte et la plus sûre, à moins que vous n'en chargiez Le Brun. J'abuse excessivement de votre amitié et de votre complaisance. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Je croi que Mr le Normand vous enverra la réponse à la lettre que je vous ay prié de luy faire tenir.

Vous êtes prié de faire mettre à la poste, celle pour Amsterdam.

Quand j'ay dit dans ma lettre qu'il faut que les 4 miroirs concaves ayent le même foyer, cela veut dire qu'ils brûlent chacun à même distance. Le marchand entendra ce langage.