ce mercredy 19 [June 1737]
Il est parti aujourduy une grande lettre de moy, écrite il y a deux jours par Bar sur Aube.
Dans cette lettre il y a mille choses moitié spirituel moitié temporel.
Je reçois la vôtre du 17 avec l'incluse de Mr de Richelieu. Je vois qu'il faut en passer par ce qu'on veut touchant La fin de l'affaire de Bouillé Ménard. J'aurois encor des objections à faire mais j'aime mieux une conclusion qu'une objection. Concluons donc. Faites faire une délégation en bonne forme de ce que me doit mr de Richelieu de ma rente de 4000lt sur madame d'Aubigné. Le tout se payera par la ditte dame avec le 6610lt, moyennant la main levée de celuy qui a saisi sur Bouillé Menard pour une petite somme. C'est donc une affaire aisée à regler.
Je suis fort aise qu'on se soit expliqué au sujet de la propagation du feu. Car comme la lumière du soleil est le feu le plus puissant que nous connaissions, il étoit naturel de rechercher la propagation de ce feu élémentaire. C'est là l'affaire d'un philosophe. Le reste est celle d'un forgeron. Mais je suis au milieu des forges, et la matière me convient assez.
J'espère que mr Bronod s'expliquera aussi nettement que mr de Fontenelle. Il a reçu l'ordre de donner les 32 louis, mais aparement qu'il ne n'avoit pas encor cet ordre quand vous luy en parlâtes. Un petit mot d'écrit de votre part au sr Bronod mettra l'affaire au net. L'essentiel est de donner 50 louis au sr Hebert pour avoir incessament ce superflu qu'on nomme nécessaire.
J'enverrai un certificat de vie pour recevoir ma rente viagère, mais je ne peux l'envoyer aujourduy ny demain. Il partira probablement dimanche 23, et n'arrivera que le 25 ou le 26. Cependant le temps presse. Hebert ne travaillera point sans avoir ses 50 louis d'avance. Aureste il faut dire à Hebert que c'est pour un étranger et qu'on le prie d'avoir toute l'attention possible pour que L'ouvrage soit parfait.
Si vous voulez vendre une action je n'y vois pas grand mal. On ne perd jamais son dividende, car lors qu'on les vend avec le dividende on les vend 75lt plus cher, ou aprochant, et sans dividende, 75lt de moins. Il est vray que leur prix varie, vers les époques du payement des dividendes, c'est à dire de six mois en six mois mais cela va à peu de chose, et d'ailleurs il vaut mieux sacrifier quelques pistoles que de vous donner la peine d'aller encor chez le sr Bronod, ou d'avoir la patience d'attendre le payement de la rente viagère. Faites donc à votre gré, et pour le mieux. Mais que le sr Hebert ait ses cinquante louis. Je crois que Mr Brono les donnera, mais s'il ne les donnoit pas je croi qu'il faudroit vendre L'action.
[Voicy un petit billet de made Duchastelet pour mr Brono, qui doit finir l'affaire].
A L'égard du sr Robert vous luy avez donc donné en dernier lieu 50lt pour ses honoraires. Mais ces trois louis que vous luy aviez donnéz il y a deux ou trois mois, c'étoit donc pour ses avances. Je ne peux imaginer qu'un procureur se soit avisé de faire des frais pour trente six livres, puis que je n'ay point eu d'affaire. Aparemment que j'ay eü quelque procez sans le savoir. Ce mémoire de frais m'a l'air d'un mémoire d'apotiquaire.
L'intendant de Mr de Richelieu se moque de me demander des billets, je ne suis point directeur de la comédie, et n'ay point de billets à donner. Vous pouvez luy faire un petit présent, mais au préalable, il faut qu'il y ait une bonne délégation pour que je reçoive sur Bouillé Menard, et une autre délégation pour que je reçoive d'oresnavant ma rente de 4000lt régulièrement.
Je ne sçai ce que veut mr de Mouhi. Je feray donner bientôt quelque chose à Darnaud, mais je vous suplie de ne dire ny où je suis, ny ce que je fais, à Darnaud ny à personne. Adieu mon cher amy.