à Versailles ce 30 mars 1747
Donnez donc monsieur un peu de votre esprit pacifique à Bréda.
Voylà un bel exemple. Nous avons enfin réussi à terminer un procez qui duroit depuis quatrevingt ans. Je suis bien sûr que messieurs de la justice ont plus gagné à cette affaire, que M. du Chastelet n'en retire, mais il a la paix avec deux cent mille livres, et je tiens que cela vaut un milion dans notre manière filosophique de compter. J'ay déjà reçu des reproches des harpies du barrau de ce que j'accomodois un si grand procez pour si peu de chose mais je crois avoir conclu avec vous monsieur une paix sûre et honorable comme toutes les parties bélligérantes le demandent.
Je viens d'envoyer à M. le marquis de Hoensbrock le projet du pouvoir de Mr du Chastelet à madesa femme, le projet du pouvoir de madedu Chastelet à son fondé de procuration, et le projet de la transaction qui doit être passée entre les parties, le tout pour vous être communiqué, et pour que vous ayez la bonté d'en dire votre avis. J'adresse ce gros paquet à Mr de Hoensbroek afin de vous épargner les frais de la poste qui ne laissent pas d'être considérables. J'ay mis L'adresse à Monsieur le marquis de Hoensbroek à son châtau de Hoensbroek, pays de Limbourg. Le mtre de la poste prié de le luy faire tenir à sa résidence.Je vous prie monsieur de luy en donner avis et même d'user de votre crédit pour que le paquet luy soit rendu en cas que j'aye mal mis L'adresse, ou qu'il y ait quelque difficulté.
Au reste on cherche icy à échauffer M. le marquis du Chastelet et à luy persuader que je luy fais perdre un milion par cet accomodement. On luy écrit lettre sur lettre de Bruxelles. Prévenons touttes ces tentatives de la chicanne, et concluons au plustôt. Adieu monsieur, je suis trop heureux de signer cette paix avec un aussi grand ministre que vous. Cette heureuse avanture augmente encor s'il se peut, les sentimens tendres et respectueux avec lesquels je seray toute ma vie monsieur
votre très humble et très obéisstserviteur
Voltaire