1738-05-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Je ne puis mon cher et respectable amy laisser partir la lettre de madame la marquise du Chastelet sans mêler encor mes regrets aux siens.
Nous imaginons vous posséder parce qu'au moins vous êtes à Paris. C'est une consolation de vous savoir dans notre hémisphère, mais cette consolation va donc bientôt nous être ravie. Madame du Chastelet que L'amitié conduit toujours vous parle de nos craintes au sujet de ces éléments de Neuton. Pour moy je n'ay d'autre crainte que d'être séparé d'elle et d'autre malheur que d'être destiné à vivre loin de vous. Je seray privé de la douceur de vous embrasser avant votre départ. Je ne pouray pas dire à madame Dargental tout ce que je pense de son cœur et du vôtre. Vous serez tout deux heureux à st Domingue. Il n'y aura que vos amis à plaindre. J'embrasse tendrement mr de Pondevel à qui je suis attaché comme à vous.