ce 14 janvier [1739] à Cirey
La Merope est partie par le coche mon charmant amy.
Je n'ay que le temps de vous le dire. Qui croiroit qu'à la campagne on n'a pas un quart d'heure à soy? Mais cette campagne est Cirey. Lisez, amusez vous avec le tendre philosofe Formont s'il est à Rouen. Qu'il vous montre mon épître sur l'homme, montrez luy la vôtre. Puissent mes écrits servir au moins à vos amusements! Tout cela n'est point fait pour être public. Eh qu'importe ce malheureux public? Les amis sont tout, il faudroit n'écrire que pour eux. Vous avez perdu un amy bien aimable. Que ne pui-je vivre avec vous et adoucir par mes soins les regrets de sa perte! Faut il que nous soyons destinez à vivre l'un de L'autre? Il me semble que j'en vaudrois mille fois mieux si je vivois avec vous. J'ay peur d'avoir embrassé trop d'étude, ma santé succombe, mes pas bronchent dans la carrière, soutenez moy par vos avis, et par les marques d'une amitié qui fera toujours ma consolation la plus chère. Madame du Chastelet vous fait bien des compliments. Je vous embrasse, mon cher amy.
V.