1739-01-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Je fais un effort, et je dérobe un instant aux douleurs d'une espèce de néphrétique dont je suis encor tourmenté pour vous dire que ma plus grande douleur est de ne point recevoir de vos nouvelles.
Plusieurs de mes amis parlent à m. le chancelier. Tout le monde me sert, hors vous. J'ignore même si vous avez ou non envoyé cet exécrable libelle plus fait contre vous que contre moy au prince royal. Je calme autant que je peux le ressentiment inexprimable de madame du Chastelet. Mr de Maupertuis se joint à moy, mais nous ne gagnons rien. Je vous demande en grâce de réparer votre faute.

Je ne sçai pourquoi monsieur le marquis du Chastelet a voulu absolument vous écrire et à mr de la Popliniere. Il n'en étoit pas besoin, mais mr et me du Chastelet sont des amis si vifs et si respectables, qu'ils aiment mieux faire trop que trop peu. La lettre de madame de Berniere, est ce qu'on pouvoit de plus fort. En un mot tout le monde a fait son devoir. Mon amitié m'assure que personne ne le fera mieux que vous. Cependant nous sommes au 15 janvier et je n'entends point parler de vous.

Je reçois une lettre du père Porée.

En voicy les premières lignes.

Monsieur,

Je ne me pardonerais pas si j'avois été assez lâche et assez perfide pour trahir iamais en public ou en particulier les sentimens de respect, d'estime et d'amitié que j'ay pour vous . . . . Je vous envoye L'endroit de mon discours qu'on a pu si injustement soupçoner.

Et il me L'envoye. Voylà comme les amis en usent. Votre cœur n'aura pas besoin d'exemple, mais j'attends de vos nouvelles.