à Cirey [c. 1 October 1736]
Je devais, mon cher correspondant, plus que de la prose au prince royal de Prusse, mais j'ai honte de lui envoyer des vers aussi peu châtiés.
Ayez la bonté de remettre le paquet cacheté au ministre de Prusse. Je ne sais si c'est un envoyé ou un ambassadeur. Mandez moi de quelle espèce il est & où il demeure. A l'égard de l'épître, notre Tiriot a droit sur tout ce que je fais. Il peut voir mon ours mal léché. Il a toujours les prémices; mais, messieurs, que ces vers ne courent pas & pour l'honneur de la poésie & pour les vérités qu'ils renferment. Je ne veux pas que le public soit le confident de mon petit commerce avec le prince royal de Prusse.
Voici un petit mot pour Prault; il est permis de changer d'avis.
'Mr Prault est prié de refaire le carton en question de cette dernière façon-ci que je ne changerai plus.
Voilà le dernier changement que je ferai à la Henriade. Je prie mr Prault de m'envoyer la copie de ce carton imprimée & de remettre tout ce qui est imprimé à mr Robert, avocat, qui demeure rue du Mouton, près de la Grève.'
On dit qu'on vend au Palais royal une nouvelle édition de mes ouvrages vrais ou prétendus. Ne pourrait on pas la faire saisir?
Est il vrai que Rousseau est mort? Il avait trop vécu pour sa gloire & pour le repos des honnêtes gens. Je vous embrasse.