1737-02-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Baron Carl Gustaf Cederhielm.

Je n'ay reçu qu'hier vos deux lettres monsieur.
Il est vray que ce malheureux Roussau et deux ou trois fripons qui sont à Paris ses partisans ont fait courir bien des calomnies sur mon compte. Je les en remercie. Des mensonges absurdes, et qui se détruisent eux même, ne font tort qu’à leurs auteurs. Roussau avoit écrit que j’étois venu à Leide professer l'athéisme, et que j'avois eu à ce sujet une dispute fort vive avec Le célèbre Sgravesende. Vous saurez que mr Sgravesende mon amy et mon maitre a été si indigné de ce procédé qu'il a écrit publiquement, ‘je déclare qu'un mensonge si impudent n'a point été imaginé par un Hollandois. C'est ce que je soutiens pour l'honneur de notre nation’.

A L’égard de mes ouvrages dont on a commencé une très belle édition, je vous réponds qu'ils ne contiendront rien que de digne d'un honnête homme. J'ay agi vertueusement, et j'ay écrit de même. J'ay trouvé des ingrats et des calomniateurs, mais ils n'ont fait que m'affermir dans l'amour de la vérité, et dans le goust de faire plaisir.

Je pars pour L'Angleterre, je reviendray à Leide au mois de juin, toujours tout prest à vous servir, et à obéir à vos ordres, trop heureux si je pouvois contribuer à finir vos malheureuses affaires.

Votre tr. etc.

Voltaire