à Cirey ce 22 [September 1736]
Vous aurez incessamment mon petit Mersenne votre Descartes, et votre Chubb.
Croyez moy il n'y a pas grand chose à aprendre ny dans l'un ny dans l'autre. Chub dit longuement une petite partie des choses que sait tout honnête homme, et Descartes noye une vérité géométrique dans mille mensonges phisiques.
On m'a envoyé, Les discours à l'Académie française, mais je n'ay pas le temps de les lire. J'ay lu le dissipateur de Destouches. Je ne sçai pas pourquoy il parle dans sa préface de L'Avare de Moliere. Ce petit orgueil là n'est ny adroit ny heureux. Je trouve que les comédiens ont très bien fait de le prier de corriger sa comédie, et luy très mal de n'en rien faire, mais je luy pardonne à cause du plaisir que m'a fait son glorieux.
J'ay enfin reçu la réponse aux trois détestables épîtres de Roussau. Cette réponse est quatre fois trop longue. Il y a deux pages admirables, mais c'est du drap d'or cousu avec des guenilles. L'ouvrage est de Lachaussé, ou de Saurin. Il faut être possédé du malin ou imbécile pour me l'atribuer. Comment! j'y suis loué depuis les pieds jusqu’à la tête, et on ose m'imputer d'en être l'auteur! Sui-je donc assez fat pour me louer moy même? Je vous avoue que je suis bien indigné qu'on ait pu mettre une telle sottise sur mon compte.
Savez vous que Roussau et Desfontaines ont fait imprimer dans la Bibliothèque française un libelle contre moy? Il y a des faits, il faut répondre. J'ay répondu, Berger a le manuscript. Je vous prie de le luy demander, et de le lire. Profond et éternel secret sur ce que vous savez. Tâchez aussi de m'en dire des nouvelles dans L'occasion.
Je n'ay point entendu parler du paquet que vous avez donné pour moy à Mr votre frère, dont j'enrage.
Adieu mon cher amy.
V.