1768-06-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Phélypeaux, duc de La Vrillière.

Monseigneur,

Aiant reçu la lettre dont vous m'avez honoré de la part du Roi, je l'ai sur le champ envoiée à mon Curé, qui a répondu par la déclaration que j'ai l'honneur de vous présenter.

Comme les mêmes calomniateurs qui ont fait parvenir à S: M: ce puérile mensonge m'ont persécuté jusques dans ma retraitte, et au bord de mon tombau, je joints au certificat du curé et du prêtre qui était présent, et de toute la paroisse, un certificat plus ample, signé au nom de la petite province que j'habite. Cette pièce m'a été accordée comme un préservatif contre l'imposture. Le Roi sait quels sont les éffets de la calomnie, il connait les hommes, et cependant il leur fait tout le bien qu'il peut. Sa bonté égale ses lumières.

Il est assez singulier qu'en présentant le pain béni, et en avertissant à voix demi basse le curé de prier pour la santé de la Reine, on avait saisi cet accomplissement du devoir d'un sujet, pour dire que j'avais fait un sermon. On peut juger par là du reste, et surtout du mensonge absurde qui m'a imputé le Dictionnaire philosophique, rapsodie tirée de vingt auteurs connus, publiquement imprimé en Hollande chez Marc Michel Rey avec cent autres sottises de cette espèce.

J'ose attendre, Monseigneur, de vôtre bonté et de vôtre équité, que vous daignerez informer le Roi de ces vérités, et j'attends de sa magnanimité qu'il daignera rendre justice à un vieillard mourant occupé de sa gloire.

J'ai l'honneur . . . .

Reçu l'honneur de vôtre Lettre le 23e juin à onze heures du matin. Répondu à midy.