24 7bre 1766
Je vous remercie, mon cher ami, mon cher frère, de votre noble et philosophique déclaration sur l'insolence de ce faussaire qui a fait imprimer ses sottises sous mon nom.
La canaille littéraire est ce que je connais de plus abject dans le monde. L'auteur du pauvre diable a raison de dire qu'il fait plus de cas d'un ramoneur de cheminée qui exerce un métier utile, que de tous ces petits écornifleurs du Parnasse. Il est bon de faire un petit ouvrage qu'on insérera dans les journaux, et qui servira de préservatif contre plus d'une imposture.
Un beau préservatif sera le factum de notre ami Elie. Vous ne m'avez point mandé si vous l'avez lu. J'ai bien à cœur que l'ouvrage soit parfait. Un factum dans une telle affaire doit se faire lire avec le même plaisir qu'une tragédie intéressante et bien écrite. Il n'y a plus moyen de reculer sur m. Chardon. Je crois que m. le duc de Choiseul trouverait fort mauvais qu'après lui avoir demandé ce rapporteur, on en demandât un autre. Mais il faudra nécessairement tâcher de captiver m. Le Noir qui est dit on le meilleur criminaliste du royaume. Sa voix sera d'un très grand poids et nous courons beaucoup de risque s'il ne prend pas notre parti.
Vous aurez incessamment toutes les choses que vous me demandez, mon cher ami. Il y a un nouveau livre, comme vous savez, de feu m. Boulanger. Ce Boulanger pétrissait une pâte que tous les estomacs ne pouraient pas digérer. Il y a quelques endroits où la pâte est un peu aigre; mais en général son pain est ferme et nourissant. Ce m. Boulanger là a bien fait de mourir, il y a quelques années, aussi bien que La Méttrie, Dumarsais, Freret, Bolingbrocke et tant d'autres. Leurs ouvrages m'ont fait relire les écrits philosophiques de Ciceron. J'en suis enchanté plus que jamais; si on les lisait, les hommes seraient plus honnêtes et plus sages. Je me flatte que le petit ballot est parti. Mes compliments à l'auteur voilé du dévoilé. Je l'embrasse mille fois. Ecr. l'inf.