30 mai 1766
Je me console vendredi au soir d'un très vilain temps et des maux que je souffre, par l'espérance de recevoir demain samedi, 31 du mois, des nouvelles de mon cher frère.
Il faut que je lui fasse une pétite récapitulation de tous les objets de mes lettres précédentes.
1º Le buste d'ivoire de son frère, parti de Genève probablement le 14 mai, adressé par la diligence de Lyon, au quai Saint-Bernard, à Paris.
2º La défense du président de Thou, dont il est bon de faire retentir tous les journaux et dont il convient surtout d'envoyer copie au Journal de Bouillon.
3º Le recueil complet que je suppose envoyé chez m. Chabanon.
4º Un autre recueil complet en feuilles, dont je vous supplie instamment de gratifier l'avocat libraire Lacombe, quai de Conti.
5º Un autre relié, pour m. Thomas.
6º J'accuse enfin la réception du mémoire d'Elie pour m. de la Luzerne et des mémoires pour et contre ce malheureux Lally. Le factum d'Elie me paraît victorieux; mais je ne sais pas quel est le jugement. Pour le mémoire de Lally je n'y ai vu que des injures vagues; le corps du délit est apparemment dans les interrogatoires qui restent toujours secrets. Les arrêts ne sont jamais motivés en France, ainsi le public n'est jamais instruit.
Je suis bien plus en peine du factum en faveur des Sirven; mais je ne prétends pas que m. de Beaumont se presse trop. Je fais céder mon impatience à l'intérêt que je prends à sa santé et à mon désir extrême de voir dans ce mémoire un ouvrage parfait qui n'ait ni la pesante sécheresse du barreau ni la fausse éloquence de la plupart de nos orateurs. Quelle que soit l'issue de cette entreprise elle fera toujours beaucoup d'honneur à m. de Beaumont, et sera utile à la société, en augmentant l'horreur du fanatisme qui a fait tant de mal aux hommes et qui leur en fait encore.
Je ne sais plus que penser de l'ouvrage de Freret, je n'en entends plus parler. Vous savez, mon cher ami, combien il excitait ma curiosité. Il ne paraît rien actuellement qui soit marqué au bon coin. J'ai acquis depuis peu des livres très rares, mais ils ne sont que rares. Je tâcherai de me procurer incessamment le recueil des vingt lettres de mrs Covelle, Beaudinet et compagnie; on ne les trouve point à Geneve où il n'est question que du procès des citoyens contre les citoyens. Je crois que, par ma dernière lettre, je vous ai prié d'envoyer à Lacombe deux petits volumes. Je vous recommande fortement cette bonne œuvre; l'exemplaire vous sera très exactement rendu avant qu'il soit peu. Si vous avez quelque nouvelle des capucins, ne m'oubliez pas; vous savez combien je m'intéresse à l'ordre séraphique. Mes compliments à vos amis. Voici un petit mot pour Thiriot. Aimez moi.