4 aoust [1762]
Mes divins anges voicy ce que je dis à votre lettre du 27 juillet.
C'est une lettre descendue du ciel, mes anges sont les protecteurs de l'innocence et les ennemis du fanatisme. Ils font le bien et ils le font sagement. J'envoye au hazard des mémoires, des projets, des idées. Mes anges rectifient tout. Il faudra bien qu'ils viennent à bout de réprimer des juges de sang et de vanger l'honneur de la France. J'ay toujours mandé qu'on ne trouverait jamais de huissier qui osât faire une sommation au grefier du parlement toulousain après que ce parlement a deffendu si sévèrement la communication des pièces, c'est à dire de sa honte. Comment trouverait on un huissier à Toulouse qui signifiât au parlement son approbre, puisque je n'en ay point trouvé en Bourgogne qui osât présenter un arrest du Conseil au sr Debrosse président au MORTIER? J'en aurais trouvé dans le siècle de Louis 14.
Mes anges sont adroits, ils ont gagné le coadjuteur. Héla, il est bien triste qu'on soit obligé de prendre des précautions pour faire paraître deux lettres où l'on parle respectueusement des moins respectables des hommes, et où la vertu la plus opprimée s'exprime en termes si modestes!
Enfin, nous sommes environ cent mille hommes qui nous remettons de tout aux anges.
Les Anglais commencent une magnifique souscription dont les Calas ont déjà ressenti les effets.
On a écrit à la Vaisse père une lettre qui doit le faire rentrer en luy même, ou plutôt l'élever au dessus de luy même.
Il faut qu'il abandonne une ville superstitieuse et barbare, aussi ridicule par ses receuils des jeux floraux que par ses pénitents des quatre couleurs. Il trouvera des secours honorables qui l'empêcheront de regretter son barreau.
Je supplie mes anges de vouloir bien envoyer le paquet cy joint à M. le maréchal de Richelieu.
Je me jette aux pieds de madame Dargental et je la remercie du batau qui ornera la table de Tronchin. Elle est trop bonne. C'est de madame d'Argental dont je parle, et non de la table du docteur.
J'ai lu un factum d'Elie pour des Bourguignons contre un médecin irlandais. Depuis ma maladie j'aime assez les médecins, mais ce factum ne me fait pas aimer les Irlandais. Je prie mes anges de vouloir bien dire à Elie le moderne que je le préfère à Elie l'évêque de Jérusalem l'infâme, et à l'Elie évêque de Paris la folle.
Mais est il bien vray que l'Elie de Paris, ce Beaumont à billets de confession, ait osé mettre au séminaire pour deux ans le curé de st Jean de Latran pour avoir prié dieu? Quoy, il ne sera pas même permis aux acteurs pensionez du roy de faire dire des psaumes pour un homme qui les a fait vivre! et que deviendrai-je donc? quoy, il n'y aura point pour moy de libera! Oh je crierai pendant ma vie si on ne veut pas brailler pour moy après ma mort.
Mes divins anges je ne vous parle ny de Cassandre ny du droit du seigneur. Il fait trop chaud.
J'ai Crebillon sur le cœur. Ses vers étaient durs mais Beaumont l'archevêque l'est davantage.
V.