Le 12 Juillet [1762]
J'ai envoyé hier à mon très Illustre et très cher Maitre, ce second compte rendu par m. de la Chalotais au Parlement de Bretagne; et un exemplaire de la nouvelle Edition du per .
L'un et l'autre proviennent de m. de la Chalo-tais même qui les a fait parvenir icy pour être adressés à mon maître.
J'ai ponctuellement exécuté ses ordres sur ce qui concerne la malheureuse famille des Callas et pour la distribution de deux Lettres imprimées. Elles m'ont fait pleurer, et personne ne les a entendu sans en faire autant; nous sommes après à les faire imprimer. J'espère que nous y parviendrons quoy qu'il y eût Lieu d'apréhender des Difficultés par la crainte que l'on a de rien faire n'y rien dire qui puisse choquer les Parlements; mais J'ai apris que les ministres étoient assés bien intentionnés pour cette affaire, cela me donne lieu de croire que nous pourrons imprimer, c'est ce que nous sçaurons aujourd'huy.
Nous avons eu Dimanche c'est à dire hier et aujourd'huy deux conférences chez m. Dargental avec la triste veuve, M. l'abbé Mignot, m. Elie de Beaumont et moy. Il a été arrété dans l'une et dans l'autre, que Made Callas, que nous apellons icy Mad. Dupuy, remettroit sans différer touttes les Lettres de recommandation dont elle est chargée, qu'elle tâcheroit d'Emouvoir les coeurs par sa présence et par le récit de ses malheurs, tandis que m. Elie de Beaumont prépare un mémoire à consulter avec sa consultation, qu'il le communique aux plus habiles de ses confrères, par les quels il veut faire signer cette consultation; Tout cela se prépare et se fera en attendant que nous ayons reçu les pièces de Toulouze, ou du moins l'arrêt, ou bien l'original de la signiffication qui aura été faite au Greffier de le Délivrer en cas de refus, ou enfin qu'il ait été constaté que les huissiers n'auront point voulu faire cette sommation (ce qui pourroit très bien arriver). Allors dans l'un ou l'autre cas M. Elie de Beaumont n'aura qu'à rectifier son mémoire suivant ce qui aura lieu et il sera publié aussitôt. M. Mariette tient aussi toute prête sa requête en Cassation d'arrêt ou en revision de la procédure pour être présentée au Conseil aussitôt qu'on aura reçu des nouvelles de Toulouze; dès aujourd'huy la Ve a dû adresser à M. le Chancelier un imprimé avec une lettre patétique pour le prévenir en sa faveur et lui annoncer les autres démarches Juridiques qui auront lieu aussitôt que l'on pourra les faire en règle. Il me paroit impossible d'accélérer d'avantage et de mieux faire. De cette manière le délai auquel on est forcé pour attendre les pièces ou les réponses de Toulouse, aura été utilement employé. Il aura servi à prévenir les coeurs et les Esprits, les réclamations autentiques en seront mieux reçues des Juges et du public. Cecy est une affaire Juridique, dans laquelle on est indispensablement obligé d'observer les formes et de marcher en règle.
J'ai entièrement renoncé à la Place qui m'étoit due; avoir amené ceux qui en peuvent disposer au point de dire que Je leur déplairais si j'insistais pour l'obtenir, c'est leur avoir fait avouer qu'elle m'apartenoit; mais que par la raison invincible de leur pouvoir suprême, il leur plait de l'accorder à un autre et de me la refuser; à cela je n'ai rien à dire, cet aveu me suffit, et J'ai marqué à M. Tronchin que j'abandonois absolument mes prétentions à cet égard et que Je ne réclamerais sa bienveillance que pour obtenir de M. le Contrôleur Général une autre place qu'il a bien voulu promettre de m'accorder à M. Dalembert loraqu'il lui a parlé de cette affaire; mais Je lui ai observé qu'à l'égard de celle de Lyon qu'il m'indiquoit, que c'étoit me remettre au même état où j'étois il y a sept ans, lorsqu'on m'a forcé à préférer l'employ que j'occupe à une Direction semblable à laquelle j'étois nommé allors, et que dans ce cas J'aurois passé en pure perte les sept plus belles années de ma vie dans un travail et un esclavage qui n'ont point d'exemple; mais il faut tout oublier. Lyon sera mon réconfort et ma Consolation. Je ne crois pas que l'on puisse me refuser cette place, et Je n'aurai allors qu'à me louer de mon sort, je serai près de mon sublime maitre, àportée de passer avec lui une grande partie de mon temps et de l'employer à lui prouver qu'au monde il n'est personne qui le chérit et le respecte autant que moy, c'est de tous les biens celui que je désire le plus, et allors l'injustice m'aura procuré le bonheur. Je n'aspire plus qu'après cet arrangement dont J'attends toutes les douceurs de ma vie.
Mon maitre a dû recevoir le volume de M. Racine le fils qu'il m'a demandé; Je le prie de me faire sçavoir s'il lui est parvenu. Je lui présente toujours l'homage le plus tendre et le plus respectueux avec celui de tous les frères, et je le suplie de nous continuer à tous ses bontés et son affection.
L'adresse de m. l'abbé Legout n'est bonne que pour les choses qui seroient susceptibles de difficultés. Iln'est pas nécessaire d'en changer pour tout le reste.