6 décemb. [1762]
Mes frères, les Pensées tirées des objections diverses&a sont un excellent ouvrage.
Il faut en tirer quelques exemplaires pour les sages; mais je crois que rien ne fera jamais plus d'impression que le livret de Mêlier. Songez de quel poids est le témoignage d'un mourant et d'un prêtre homme de bien. On dit qu'il paraîtra quelque choseà l'occasion des Calas et des pénitents blancs, mais qu'on attendra que la révision ait été jugée.
Le docteur Tronchin m'a enfin mandé qu'il n'y avait point de guérison pour le petit enfantà qui mon frère s'intéresse. Je souhaite que le docteur se trompe.
Qu'est ce donc que ce drôle de fou qui traite le public comme Ajax traitait ses moutons, et qui tombe sur lui en furieux? Il a donc fait une tragédie d'Ajax? l'a-t-on mis aux petites maisons? comment se nomme-t-il?
Est il vrai qu'Elie de Beaumont est très courroucé de voir la faucille de Loyseau dans sa moisson? Mon cher frère, s'il est vrai, calmez ses douleurs; représentez lui que dans une affaire telle que celle des Calas, il est bon que plusieurs voix s'élèvent; c'est un concert d'âmes vertueuses. Il s'agit de venger l'humanité, et non de disputer un peu de renommée. Il y aura place pour Beaumont et pour Loyseau dans le temple de la gloire et de la vertu, et aucun d'eux n'entrera dans la caverne de l'envie.
J'embrasse mon frère et mes frères.
P.S. Il y a un enfant qui se dit petit neveu de Corneille. Il demeure chez m. Noel, maître [de] pension, faubourg st Marceau; son nom est Vannier. Il demande un exemplaire de Corneille; cela est assurément bien juste. Je prie très instamment mon frère de lui faire passer ce petit billet.