15 juillet 1771, à Ferney

Monsieur vôtre frère, mon cher ami, vous envoie par moi cette Lettre de change.

Il se passe une scène bien affreuse à Lons-Lesaunier. Un prêtre a eu la malice de mourir pour faire niche à M^r le comte de Beaufort. Il a déclaré en mourant que M^r de Beaufort l’avait assassiné. Tous les prêtres poursuivent la vengeance sacrée de ce drôle. Décret de prise de corps contre le comte de Beaufort, décret d’assigné contre Madame, Prise de corps contre un jeune avocat nommé Bole. L’avocat s’est enfui. M^r de Beaufort est venu chez moi. C’est un ancien officier père de six enfans et de mœurs irréprochables, mais les prêtres l’accusent d’avoir poussé trop rudement dans une chapelle, le desservant, lequel est mort quinze jours après d’une fièvre putride. Ils disent que la loi porte expressément que l’on sera brûlé en pareil cas.

Mad^e De Beaufort est à Paris. Son mari va à Berne avec M^r Loyseau l’avocat, Iequel veut faire un factum à son aise en païs libre. J’ai oublié de lui demander la demeure de Mad^e de Beaufort. Comment la trouver dans Paris?

ll se passe d’étranges choses dans ce monde. Vale.