8e octobre 1765
Mes anges sauront que j'ai reçu aujourd'hui Adélaïde.
On a remis sur le champ les roués dans le portefeuille, et on va reprendre cette Adelaïde en sous œuvre, non sans faire des Welches le cas qu'ils méritent, non sans être honteux de travailler pour gens qui approuvent dans un temps ce qu'ils condamnent dans un autre.
Le Kain m'a envoyé par la poste cet ouvrage en grand papier, beau caractère, belle marge. Un contre-seing aurait pu être assez convenable, puisque j'ai reçu le même jour sous contre-seing deux gros factums d'avocats pour des affaires qui ne me regardent point du tout.
Mon philosophe D'Amilaville qui avait fait pendant quelques mois la consolation de ma vie, est parti et a pris son plus long pour aller voir un ami avec lequel il restera quelque temps. Je ne sais pas trop dans quel temps il se présentera devant mes anges.
J'ai envoyé à m. Elie de Beaumont toutes les pièces nécessaires pour entreprendre le procès des Sirven. Je ne crois pas qu'il trouve dans cette affaire la faveur et le même enthousiasme que dans celle de Calas; je connais notre public, il se refroidit bien vite, il n'aime pas les répétitions, il lui faut du nouveau, et c'est ce qui fait la fortune de l'opéra comique. Cependant je me flatte que mes anges voudront bien encourager Elie. Il est nécessaire que le mémoire soit très bien fait, et qu'il soit dépouillé de toute cette déclamation du barreau qui est le contraire de la véritable éloquence. Elie peut m'envoyer ce factum sous le premier contre-seing venu, et je répète encore que tous les paquets à mon adresse me sont très fidèlement rendus.
J'ai lu une excellente lettre qui justifie l'arrêt du parlement contre le clergé, en citant le procès de Guillaume Rose, évêque de Senlis, le plus détestable ennemi d'Henry quatre. Le bon dieu bénisse l'auteur de cette lettre, quel qu'il soit! Dieu me pardonne, je crois que je suis actuellement parlementaire, mais ce qui est bien plus sûr, c'est que je suis attaché à mes anges, avec mon culte de latrie ordinaire.
Permettent ils que j'insère ici ce petit mot pour Roscius le Kain?
Et nos dixmes? mes divins anges, et nos dixmes? ayez pitié de nous.