à Paris le 26 janv. 1768
Monsieur,
Vous trouverez ci-jointe la copie exacte de la lettre originale de Louis XIV au cardinal de Bouillon du 16 mars 1699 et celle du même jour écrite au même par m. de Torci.
Je vous envoie pareillement les anecdotes que j'ai pu trouver sur le p͞ce de Turenne tué à la bataille de Steinkerque que j'ai puisées dans les matériaux qui ont servi à m. Baluze et sur ce qu'il a dit lui même. Je n'ai pu trouver l'oraison funèbre du p. Gaillard, jésuite, faite en 1691, on dit que ce prince y est bien peint; si je la découvre j'aurai l'honneur de vous en faire part.
A l'égard de la lettre de l'électeur Charles Louis au vicomte de Turenne, je ne puis vous dire l'avoir vu motivée autre part que dans l'histoire faite par m. de Ramsay. Cependant dans tous les manuscripts qui me sont tombés sous la main il y est fait mention de cette lettre ou cartel et de la sage réponse faite par le vicomte de Turenne. J'ai consulté les mémoires écrits de sa main très difficiles à lire, mais ils commencent en 1643, et finissent à la campagne de 1659; et la lettre en question étant de juillet 1674 elle ne peut y être mentionnée. Pour vous satisfaire autant qu'il m'est possible sur cet article je vous envoie copie de ce que j'ai vu tant dans une minute de l'histoire faite par l'abbé Raguenet qu'autres; ce qui me fait croire que la lettre et la réponse ont existé et je l'ai vu encore hier dans une histoire faite 1680 ou 1681, que j'ai trouvée sur notre quai.
Ce sur quoi je ne puis vous satisfaire c'est sur le ridicule interrogatoire subi par madame la duchesse de Bouillon. Je n'ai jusqu'à présent rien trouvé qui ait trait à cette affaire. Voici seulement ce qui m'a été rapporté par quelques anciens de cette maison et que je ne donne point pour chose certaine. On dit que le jour que mde de Bouillon subit cet impertinent interrogatoire elle partit de son hôtel en grand cortège accompagnée de deux écuyers dont l'un était un prince du sang, qu'étant devant son juge à grande perruque noire et interrogée par lui s'il était vrai qu'elle eût vu le diable, elle répondit que oui; interpelée de dire sous quelle forme et quelle ressemblance il lui avait apparu, sa réponse fut: tout ce que je puis vous dire m. c'est que vous lui ressemblez comme deux gouttes et que le juge ne poussa pas plus loin l'interrogatoire.
Votre amitié, monsieur, m'est trop précieuse pour n'en pas désirer toute la part que je pourrai en avoir; vous avez dit à m. le duc de Bouillon que si j'étais parent de l'évêque Maigrot, vous m'en aimeriez davantage. Je réclame cette promesse puisque ce Maigrot docteur de Sorbonne, évêque de Conon, vicaire apostolique de la province de Pekin à la Chine, où le pape Innocent 12 l'avait envoyé et où il a eu une dispute avec les jésuites était effectivemt mon parent. De vous dire à quel degré, c'est ce que je ne sais pas. Indépendt de cela si vous accordez votre amitié à ceux qui sont vos plus zélés admirateurs j'ose dire la mériter à ce titre et par l'attachement respectueux avec lequel j'ai l'honneur d'être &c.