12 février 1768 à Ferney
Je vous remercie, monsieur, de toutes vos bontés. La lettre de Louis XIV m'était absolument nécessaire. Elle fait voir avec évidence qu'il en voulait personnellement à l'archevêque de Cambrai. Je trouve que, dans cette affaire ce monarque se conduisit plus en homme piqué qu'en roi; et que le cardinal de Bouillon concilia noblement son devoir d'ambassadeur avec celui d'un ami.
J'ai déjà donné la bataille de Steinkerque. J'ai dit simplement que la France regretta le prince de Turenne qui donnait l'espérance d'ègaler un jour son grand oncle.
J'ai retrouvé heureusement la lettre de Louis XIV au cardinal de la Trimouille, écrite en 1710 contre le cardinal de Bouillon. Il dit dans cette lettre qu'il est à craindre que ce doyen du sacré collège ne devienne un jour pape. Cette anecdote est curieuse et mérite de passer à la postérité. Le temps est venu où la vérité doit paraître, et quand on la dit sans blesser les bienséances, on ne doit déplaire à personne.
Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien présenter mon respect et mes remerciements à mgr le duc de Bouillon. Je ne suis point étonné qu'un homme de votre mérite soit auprès de lui. On ne peut être plus reconnaissant que je le suis des lumières que vous m'avez communiquées.
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments d'un cœur pénétré de vos bontés, monsieur, votre &c.