1767-09-14, de Cosimo Alessandro Collini à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher Protecteur

Je vous ai vu, il y a quelques jours, bien joli et bien mignon sur une table de la chambre de notre Electeur.
C'étoit votre buste en porcelaine fait en Lorraine. Un des premiers soins de ce Prince fut de me le faire remarquer; il venoit de le recevoir. Il ne peut pas vous avoir en nature, il veut au moins vous avoir en terre cuite.

Vous savez que tout le monde a dit qu'un de nos Electeurs, Charles-Louis, avoit défié Turenne à un combat singulier. Je me suis avisé de démontrer la fausseté de cette anecdote dans un petit ouvrage qui a pour tître Dissertation historique et critique sur le prétendu Cartel ou Lettre de défi de Charles-Louis Electeur Palatin au Vicomte de Turenne, et qui vient de paroître. Ne me trouvez-vous pas hardi d'écrire, et encore plus, d'écrire contre une opinion si généralement reçue? Si je trouve une occasion particulière de vous faire parvenir ce petit ouvrage, je vous demande la permission de le faire. Vous me lirez avec indulgence; vous ne perdrez jamais de vue que je suis Florentin, mais vous n'aurez aucun égard pour les preuves que j'allègue. Si elles peuvent vous convaincre, il y aura dans l'Histoire encore un mensonge de moins.

Puissiez-vous m'aimer encore 50 ans! Pour moi le peu de temps que j'ai à vivre, je le passerai à être pénétré des bontés que Made Denis a eu toujours pour moi, et à vous assûrer du tendre attachement et de la vive reconnoissance avec les quels je serai éternellement

Mon cher Protecteur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Colini