1767-09-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Cosimo Alessandro Collini.

Mon cher ami, vôtre dissertation sur le cartel offert par l'électeur palatin au vicomte de Turenne, m'arrivera fort à propos.
On a déjà entamé une nouvelle édition du Siècle de Louïs 14. Je profiterai de vôtre Pirrhonisme pour peu que je le trouve fondé, car vous savez que je l'aime, et que je me défie des anecdotes répétées par mille historiens. Il est vrai que vous êtes obligé d'avoir prodigieusement raison, car vous avez contre vous l'histoire de Turenne par Ramzei, le président Hénaut, et tous les mémoires du temps.

Aiez la bonté de m'envoier sur le Champ vôtre ouvrage. Voicy comme on peut s'y prendre. Vous n'auriez qu'à l'envoier à Lyon tout ouvert à Mr Tabareau, directeur des postes, avec un petit mot de Lettre. Vous auriez la bonté de lui écrire que sachant qu'il lit beaucoup et qu'il se forme une bibliothèque, vous lui envoiez vôtre ouvrage comme à un bon juge et à mon ami, que vous le priez de me le prêter après l'avoir lu, en attendant que je puisse en avoir un éxemplaire à ma disposition.

Voilà, mon cher ami, les expédients auxquels les impôts horribles mis sur les Lettres, me forcent d'avoir recours. Si pour plus de sûreté pendant que vous enverrez ce paquet par la poste à Mr Tabareau à Lyon, vous voulez m'en envoier un autre par les chariots qui vont à Shaffousen et dans le reste de la Suisse, il n'y a qu'à adresser ce paquet à mon nom à Genêve. Je vous serai très obligé. Comptez que j'ai la plus grande impatience de lire vôtre dissertation.

Mettez moi aux pieds de Leurs Altesses Electorales. Si je pouvais me tenir sur les miens je serais allé à Schwetzingen tout vieux et tout malade que je suis. Mais il y a trois ans que je ne suis sorti de chez moi.

Made Denis ne cesse de donner des fêtes, et moi je reste dans mon lit. Je dicte ne pouvant écrire; mais ce que je dicte de plus vrai c'est que je vous aime de tout mon cœur.