30 may 1768
Vous écrivez monsieur à mr de Voltaire par votre lettre du 19 may que vous avez fait un petit ouvrage sur sa rétractation et que vous le dédiez au chapitre de st André.
Il est trop malade pour avoir l'honneur de vous répondre. Je suis obligé de vous dire qu'il respecte fort le chapitre de st André, mais nous ne savons icy ce que c'est que cette rétractation prétendue. Les gazettes des pays étrangers sont souvent trompées par les nouvelistes de Paris et trompent le public à leur tour. Elles deviennent quelquefois écos de la calomnie. Elles immolent les particuliers au public. Mr de Voltaire en s'acquitant le jour de pâque dans sa paroisse d'un devoir au quel personne ne manque dans ce diocèse entouré de protestans, avertit les assistants du danger de la Reine, et fit prier dieu pour elle. Il donna aussi quelques ordres qui regardaient la police. C'est sur cela monsieur que quelques plaisants de Paris ont écrit qu'il avait fait un sermon. Qui n'a jamais rien écrit contre ce qu'il doit respecter n'a point de rétractation à faire. Il sait monsieur que jeunes gens inconsidérez mettent tous les jours sous son nom des brochures qu'il ne lit point. Son âge d'environ soixante et quinze ans devrait le mettre à l'abri de ces impostures. Occupé dans la plus profonde retraitte du soin de soulager ses vassaux et de défricher des campagnes incultes, il n'a jamais daigné seulement confondre tous ces bruits populaires, et moy monsieur je dois faire ce qu'il ne fait pas. Toutte la province rend depuis douze ans le même témoignage que moy. Il n'apartient qu'à ses calomniateurs de se rétracter. On doit laisser les citoiens en repos et surtout un homme de son âge. Il m'a dit qu'il vous remerciait de vos intentions mais qu'il vous serait encor plus obligé de votre silence.
J'ai l'honneur d'être