à Cirey en Champagne ce 5 oct. 1736
Vous avez dû recevoir messieurs la réfutation que je me devois à moy même des calomnies que Roussau a fait insérer dans votre journal.
J'attends de votre justice qu'ayant fait imprimer ses injures vous publierez la réponse.
Mais je vous prie messieurs de retrancher tout l'article qui regarde Monsieur Saurin. Ce philosophe a été déjà assez à plaindre d'avoir été compromis une fois en sa vie avec un scélérat. Ayez donc la bonté messieurs d'exiger de votre imprimeur, qu'après ces mots, vérité qui se confirme tous les jours il mette a linea, ceux cy, c'étoit assez que Roussau m'eût flatté quelques jours pour qu'il fît bientôt des vers contre moy; il en fit donc, et même de très plats etc.
Aureste messieurs je suis bien à plaindre d'avoir à soutenir un combat si humiliant. Mais l'humiliation seroit plus forte si je laissois tant de calomnies afreuses sans réponse. Je me trouve acusé d'irreligion, et de satire par qui messieurs? par Roussau. C'est être acusé de vol par Cartouche.
J'ay l'honneur d'être parfaitement messieurs votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire