1736-10-15, de Henri Du Sauzet à Jean Baptiste Rousseau.

…Avant de donner réponse positive j'ai voulu vous informer de ce qui se passe, et j'ai représenté que je ne puis rien insérer dans mon journal sans le consentement de mes auteurs que je dois consulter.
Si je refuse la pièce en question, elle sera imprimée ailleurs et sans doute on la placera à la tête de l'édition qu'on prépare des œuvres de Voltaire, et suivant les apparences je n'y serai pas épargné. Si mon refus pouvait anéantir la pièce, il n'en serait plus parlé et je serais charmé de vous donner cette marque de ma considération. Voici, monsieur, le parti que je crois le plus convenable: c'est de ne consentir à l'impression de la réponse qu'à condition que m. de Voltaire me permettra de retrancher divers endroits qui ne conviennent point à mon journal que je ne dois pas déshonorer…. Si on me refuse cette permission on me fera plaisir: je ne mettrai rien du tout et j'aurai une excuse légitime pour m'en dispenser, persuadé que les honnêtes gens approuveront mes raisons. Je ne suis pas obligé d'imprimer des libelles diffamatoires….

Je ne puis, monsieur, entrer dans un plus grand détail. Il y a un long article sur m. Saurin, à qui il vous accuse d'avoir supposé des lettres pour lui faire avouer des crimes énormes. Il m'a prié de supprimer tout cela: sans doute qu'il aura vu la lettre de m. Saurin publiée dans la Bibliothèque germanique, dans laquelle il fait un aveu bien honteux de ses excès. On sait que l'original de cette lettre est à Genève. On a voulu faire un saint de m. Saurin et faire valoir sa conversion pour insulter les Protestants; on a cru devoir le faire connaître au public. C'est un rude coup pour ce vieillard et sa famille. On dit que son fils a bien du mérite….

Au reste, monsieur, permettez moi de profiter de l'occasion pour vous dire que je ne suis point encore payé des vingt florins pour le montant des cinquante Bibliothèques que j'ai fournies pour vous au mois d'avril dernier. Ce sera sans doute un oubli de votre part, ou une négligence de votre ami, à quoi vous m'obligerez de pourvoir.