1766-11-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Vous devez déjà avoir reçu, mon cher ami, la lettre par laquelle je vous mandais que le petit ballot était parvenu à m. Boursier par la messagerie de Lyon à Geneve.
Tout arrive, n'en doutez pas; et il n'y a point de pays où le public soit mieux servi qu'en France. Tout le mal venait comme je vous l'ai dit, de ce qu'on avait mis l'adresse à Geneve au lieu de la mettre à Meyrin, et qu'on n'avait pas envoyé de lettre d'avis pour Geneve. Sans ces précautions on court les risques d'un grand retardement.

Je vous ai mandé combien la lettre de m. Tonplat avait attendri m. Boursier. Je vous répète qu'il est bon de s'assurer de la personne dont on semble trop se défier. Je vous répète que cette personne donne tous les jours des paroles positives à m. Boursier et que ce Boursier en cas de besoin pourrait faire face à tout.

a écrit à m. de Lamberta, et il attend sa réponse; il ne fera rien sans avoir le consentement de m. de Lamberta. Voilà tout ce que je sais.

Je vous envoie par une autre lettre celle que j'écrivis à m. Hume le 24 8bre. Je vous en ai déjà adressé plusieurs exemplaires, mais je crains que m. Jannel qui a des ordres très positifs et très justes de ne laisser passer aucun imprimé de Geneve n'ait confondu celui-ci avec tous les autres; il y a pourtant une très grande différence. Ma lettre à m. Hume n'est qu'une justification honnête et légitime, quoique plaisante, contre les accusations d'un petit séditieux nommé Jean Jaques Rousseau, qui a osé insulter le roi et tous ses ministres dans tous ses ouvrages, et qui mériterait au moins le pilori s'il ne méritait pas les Petites Maisons. Ma lettre à m. Hume venge la patrie.

Voici une lettre tout ouverte que je vous envoie pour made de Beaumont; je vous prie mon cher ami de la lui faire parvenir, soit en l'envoyant à sa maison à Paris, avec certitude qu'elle lui sera rendue, soit en l'adressant à la terre du Vieuxfumé d'où madame de Beaumont a daté. Je ne sais pas où est cette terre du Vieuxfumé. Je suppose qu'elle est près de Caen; mais dans cette incertitude je ne puis qu'implorer votre secours.

L'affaires des Sirven devient pour moi plus importante que jamais; il s'agit de sauver la vie à un père et à deux filles qui se désespèrent et qui vont suivre une femme et une mère morte de douleur. M. de Beaumont aurait bien mieux fait de suivre cette affaire que celle de m. de la Luzerne. Il y aurait eu peut-être de profit et sûrement plus d'honneur.

Mon cher ami, ne nous lassons point de faire du bien aux hommes, c'est notre unique récompense.