à Cirey en Champagne ce 6 novembre 1736
Je ne sais, monsieur, si vous avez reçu une longue lettre, que j'eus l'honneur de vous écrire par Nancy.
Je vous y offrais mes services auprès de votre colonel, et de mr de Vaujour; je vous réitère mes offres. Je vous donnais avis d'une très plate épigramme que ce vieux serpent de Rousseau avait vomie contre vous. Je vous demandais s'il n'y avait point quelque homme de lettre en Hollande avec qui on pût être en correspondance. Je vous envoyais le duplicata de la Crépinade, que vous pouvez insérer dans les Lettres juives.
On me mande que Rousseau est enfin disgracié chez le duc d'Aremberg. La destinée de ce scélérat imprudent est d'être chassé partout. Il avait compromis mr le duc d'Aremberg par un écrit scandaleux qu'il inséra contre moi dans la Bibliothèque française. Il s'était servi du nom de son protecteur pour appuyer un mensonge. Sa calomnie et sa témérité ont indigné son maître, qui l'a menacé de cent coups de canne. On dit que Rousseau a répondu: Hélas! monseigneur, vous n'en avez pas les gants.
Permettez moi de vous demander si vous êtes l'auteur du Mentor cavalier qui paraît à Paris sous votre nom. Je vous ai prié dans ma dernière de supprimer toute cérémonie. Mon attachement pour vous me permet d'user de ce droit.
Comme j'ai peur qu'une de vos lettres n'ait été rendue à une autre madame Du Châtelet, ayez la bonté de mettre vos dessus à madame la comtesse de Beauvau pour madame Du Châtelet de Cirey.