11 avril 1733
J'ai communiqué ce soir à notre ami Rousseau le libelle que vous m'avez envoye.
Il a dit que la masure en bousillage du picoreur Voltaire sur le goût n’était pas mieux maçonné que sa chaumière de l'amitié; que l'un ni l'autre n'auraient jamais pu s'aviser dans son détestable cœur; qu'il se voyait très maltraité dans ce libelle infâme, mais qu'il n'en était pas plus fâché qu’étonné; que ses œuvres faisant ses preuves tant au présent qu’à l'avenir, il se garderait bien d'honorer le petit maroufle d'une pièce tout exprès; que si, par hasard, dans le courant de ses voyages, le nom du faquin se trouvait au bout de sa plume, il la laisserait aller suivant l'occasion; que cependant au préalable, en aussi peu de temps que la mousse de l'excellent vin de Champagne dont il buvait se passerait, il l'allait guirlander d'une petite épigramme, et qu'il s'en tiendrait, quant à présent, à cette légère cocarde pour hupper la tête du roquet, et que c’était seulement pour nous rendre épigramme pour épigramme, en revanche de celle que vous lui avez envoyée. La voilà telle qu'il l'a faite en buvant votre vin de Champagne.