1736-01-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Thomas Marie de Baculard d'Arnaud.

Le goust que vous avés pour la poësie monsieur vous fait regarder avec trop d'indulgence mes foibles ouvrages. Vous ressemblés aux connoisseurs en peinture qui ne laissent pas de mettre dans leur cabinet des tableaux médiocres en faveur de quelques coups de pinceau qui leur auront plu.

Les vers que vous m'avés envoyé sur mes tragédies, en me donnant beaucoup d'estime pour vous, me laissent le regret de mériter si peu vos éloges. Je vais bientôt avoir encor la foiblesse de donner une piéce au public. Il y a deux ans que je l'avois composée. Une juste défiance m'empêchoit de la donner au Théâtre, mes amis beaucoup plus hardis que moy l'ont mise entre les mains des Comédiens.

Je n'ose vous proposer, monsieur, de vouloir bien accepter des billets pour les représentations. Cependant si vous vouliés me permettre cette liberté Vous n'auriez qu’à les envoier cherchér chès Mr Demoulins vis-à-vis Saint-Gervais.

Je suis parfaitement Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur,
Voltaire