Je vis, il y a déjà plusieurs Jours, Monsieur l'annonce de la belle Edition que l'on projette des Œuvres de Monsr de Voltaire, et à cette occasion j'ay pensé si l'on ne pourait point sans indiscrétion rappeller à votre Illustre Maitre l'article du General Donat, décapité en Hongrie, qu'il me fit espérer d'insérer quelque part d'une manière Consolante pour sa famille, et digne des vertus de ce brave Patriote qui servit et qui mourut en Héros.
Il vous seroit aisé de sçavoir sans en embarasser M. de V. si dans la multitude d'objets qui l'occupent il n'aurait point oublié cet acte de générosité si conforme d'ailleurs à son caractère, et à la noble pente de son Cœur. Ce fut sur sa réponce gracieuse que j'en donnai l'espérance à sa Famille, après lui avoir communiqué la déclaration de S. A. le Prince d'Hohenzollern que m'avait procuré Madame la Marquise de Gentil; déclaration qui rendait le témoignage le plus honorable à la Mémoire de ce digne général qui avait versé plus d'une fois son sang pour le service de la Maison Impériale, avant qu'on lui ôtât la vie sur un Echaffaut. Si M. de V. qui m'a fait la grâce de m'assurer plus d'une fois de son amitié n'a pas encore touché cet article, ne serait il point encore à tems de l'ajouter? Il ferait assurément par là un acte de justice et de bonté. S'il est nécessaire de lui dire quelque chose, de ma part, offrés lui je vous prie la continuation de mon respect.
On mettra sans doute à la tête de l'Edition une nouvelle Estampe de M. de Voltaire, et qui j'espère sera faite avec tout le soin qu'elle mérite. Un quadrain que j'avais fait pour le Roi de Prusse pendant la dernière guerre, aiant paru exprimer avec énergie les vertus, les talens, et les exploits Héroïques de ce Monarque, J'essaiai de craïonner La gloire que M. de V. s'était aquise dans l'idée d'une Estampe, persuadé cependant que des mains plus heureuses que la mienne y travailleraient
1. Essay
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Mais tout cela est sans prétention, j'espère que nous aurons quelque chose de mieux; et je me félicite d'avance d'en orner mon Cabinet.
Si vous avés quelque nouveauté littéraire, Mon cher Wuagnieres, vous m'en dirés j'espère un mot. Si M. de V. lit la gazette littéraire de l'Europe il verra, peut être Lundi prochain une pièce également râre et instructive, que j'ay procurée aux Editeurs. C'est la Copie d'un mémoire Ecrit et souscript de la propre main de Balthazard Gerard, présenté à Alexandre Farnese, Duc de Parme, pour exposer froidement et religieusement le projet d'assassiner le Héros de la Hollande Guillaume 1 Prince d'Orange; ce sous l'approbation du Roi Philippe 11 et de son conseil, de même que sous réserve de l'absolution: cet horrible chef d'œuvre de Tyrannie et de fanatisme, renvoié à l'examen de Mr d'Assonville, Conseiller d'Etat, et exécuté après mûre délibération. Je ne sache pas qu'aucun Historien ait parlé ou même ait eu connaissance de cette pièce.
Je vous salue de tout mon Coeur et suis très parfaitement à vous
Seigneux de Correvon
Lausanne ce 30 May 1768