24e May 1773
Je souhaitte que la calomnie ne députe point quelques uns de ses serpents à la cour pour perdre ce génie naissant, en cas que la cour par hazard entende parler de ses talents. Page 10 de l'épitre morale et instructive de Guillaume Vadé etca.
Vous voiez, Mon cher ami, que Guillaume était très instruit qu'il y avait des préjugés contre celui qui a donné quelquefois de si bonnes ailes aux talons de Mercure, et dont le génie allarme ceux qui n'en ont pas. J'ai ouï dire que Guillaume Vadé avant sa mort avait essuié quelques injustices un peu plus fortes, qu'un commentateur avait interprété fort mal ses discours auprès d'un satrape de Perse, lorsque Guillaume était à la campagne à quelques lieues d'Ispahan. Mais ce n'est point de celà que Guillaume mourut; il était accoutumé à tous ces orages, et il en riait. On s'était imaginé qu'il était fort sensible à toutes ces misères, on se trompait beaucoup. Sa nièce, Catherine Vadé, que vous avez connue, vous dira qu'il avait le plus profond mépris pour les tracasseries persannes. Il était quelque fois un peu malin, soit quand il écrivait à Nicolas, soit quand il écrivait à Flaccus, mais il fut très sensible et reconnaissant pour le secrétaire intime de Flaccus, le quel avait l'esprit et les grâces de son maître Il m'a même chargé en mourant de dire à ce secrétaire intime qu'il ne l'oubliait point, quoiqu'il allât boire les eaux du fleuve de l'oubli. Il me le recommandait en présence de Catherine sa nièce de vous exhorter à ne point craindre vos envieux, à marcher toujours dans le sentier épineux de la gloire, entre le général d'armée Warwick et le ministre Barmecide. Comptez, quand on a la gloire [pour] soi, que le reste vient tôt ou tard.
Je pense comme Guillaume, je vous suis très sincèrement dévoué, et j'en prends à témoin Catherine. J'espère trouver l'occasion de vous le prouver; il y a longtemps que je vous ai dit macte animo generose puer.