ce 29 [December 1738]
En réponse à votre lettre du 24, 1º je vous prie mon cher amy de Lire les petits versiculets qui se trouvent dans ma lettreà sr Isac, c'est une petite formule de quête pour Les laponnes, suivant les rites de Bienfaisance de l'abbé de st Pierre d'Utopie.
2º écrivez moy de grâce un peu de détail sur L'épître de l'homme.
3º je suis confondu que vous n'avez pas reçu celle sur la nature du plaisir; elle étoit dans un gros paquet, et je me souviens très bien que je vous priois de ne la pas envoyer sitost au prince. Or voyez donc en feuilletant notre commercium epistolicum si vous retrouverez la lettre en question. Elle a été écritte il y a six semaines ou deux mois. La perte de ce gros paquet me donne de vives inquiétudes.
4º je vous prie de répondre aux semeurs de zizanie que le père Porée mon ancien régent est mon amy intime, qu'il m'écrivit il n'y a pas quinze jours, et qu'il est incapable de la lâche et scandaleuse noirceur qu'on luy impute.
5º je vous demande en grâce de chercher ce mr Montaz et de tâcher d'avoir son discours, de luy présenter les Elémens de Neuton bien reliez en bau maroquin, et de le remercier de la part de madame du Chastelet en attendant que nous le remercions nous même.
6º aparement que le petit Lamare espère baucoup de vous et peu de moy, car depuis que je luy ay donné 100lt d'une part, et 120 de l'autre je n'entends pas parler de luy. Il ne m'en a pas seulement accusé la réception.
7º comme j'en ay usé de même avec Linant, et que vous m'avez mandé il y a quelque temps qu'il avoit tenu des discours fort insolents de Cirey, je vous prie de me mander quels sont ces discours. Rien n'est si triste qu'un soupçon vague. Il faut savoir sur quoy compter. Demi confidence est torture. Il faut tout ou rien, en cela comme en amitié.
8º Je n'ay nul empressement pour le Palais Lambert car il est à Paris. Si madame du Chastelet veut l'acheter, il luy coûtera moins que vous ne dites. Je vivray avec elle là comme à Cirey, et dans un Louvre ou dans une cabanne. Tout est égal. Je ne crois pas que cette aquisition dérange trop sa fortune, et je crois que je pouray toujours la voir jouir d'un état très honorable avec une sage économie qu'il faut recomander à sa générosité. Au reste il faudroit que le public ne fût pas informé de cette aquisition avant le temps.
9º envoyez moy je vous prie la Lettre de mr Algaroti. Mais pourquoy ne nous écrit il point?
Xº dites au très aimable mr Helvétius que je l'aime infiniment, et que je dis toujours en parlant de luy, macte animo generose puer, sic itur ad astra!
11º je vous souhaite la bonne année, je vous embrasse tendrement. Dites à mr votre frère qu'il m'envoye un nota de ce que je luy redois. C'est un créancier trop paisible. Adieu mon cher amy, portez vous mieux que moy. Excusez ma paresse auprès de son altesse R. sur ma mauvaise santé. Bonsoir.