à Paris ce 16 Juin 1733
Il est constant monsieur que Je ne me suis point plaint de vous, puis que vous n'avez pas entendu parler de moy, et Je ne crois pas que les plaintes puissent s'addresser à d'autres qu’à ceux qui les font naître.
Du moins c'est ma façon de penser. Il est bien vray que J'aurois esté fort content de ne me point trouver dans La 2me Edition du temple du goust. Un homme simple, retiré de toute affaire, n'aime point que le public parle de luy, et les amusemens d'un homme du monde sur tout dans le genre dont Il s'agit icy, ne sont près que jamais dignes d’être cités. Il est encore vray que vous me ferés un très grand plaisir de ne point mettre les quatre Vers que vous avés la bonté de me communiquer pour votre 2e Edition, non seulement pour les raisons que Je viens de vous rapporter mais encore pour votre propre goust au quel assurément vous faites tort en parlant comme vous faites de moy. Je pourois encore vous prier de les retrancher par la connoissance que J'ay des Eloges Excessifs. Le public avec raison Les regarde toujours comme des critiques. J'ay reçu toutes vos politesses avec grand plaisir, J'y réponds avec reconnoissance, mais Je vous prie si la chose vous est possible de me laisser comme J’étois. Le Vers a tant couru qu'il y auroit de l'affectation à vous prier de retrancher ma part.
A l’égard des Autres Articles de votre lettre mr si j'avois vêcu avec vous vous sçauriés que Je n'ay Jamais fait un Vers, et je ne sçais pourquoy l'on m'a choisi pour me faire Le présent d'une Epigramme qu'apparemment Le poète n'a pu faire meilleure, et qu'il a voulu faire passer sur le compte d'un homme du monde. Je ne connois personne capable de toutes les noirceurs dont vous me faites le portrait et Je n'ay jamais rien vu qui méritât les soupçons que vous me communiquez, mais Le monde ne vous est pas connu ou vous sçavés très bien qu’à la faveur d'un mécontentement et d'une brouillerie dont J'ay été fort fâché, Il y a bien des gens qui répandent leur Venin, et font Impunément des méchancetés. Je crois que vos plaintes n'ont aucun autre fondement.
Au reste mr Je vous remercie encore une fois de votre politesse. Vous y mettrés Le comble si Je ne me trouve point dans votre nouvelle Edition. Faites moy le sacrifice de quatre Jolis vers en Eux mêmes mais qui renferment un Eloge que ny mort ny vivant n'a jusques icy mérité. Je suis très parfaitement Mr